Rapport du Conseil Supérieur de la Propriété littéraire et artistique (CSPLA)
Compte tenu de l’engouement pour les NFTs, le Conseil Supérieur de la Propriété littéraire et artistique(CSPLA) a rendu un rapport le 12 juillet 2022 visant à dresser un état des lieux du développement de cette technologie dans le domaine culturel et des questions juridiques qu’elle soulève.
Le rapport se compose de quatre parties : la définition d’un NFT, les opportunités offertes par les NFTs dans le secteur culturel, les questions et problématiques juridiques identifiées et enfin la formulation d’un certain nombre de propositions.
La définition d’un NFT et son intérêt dans le secteur culturel
Le NFT s’appuie sur la technologie de la Blockchain qui permet d’horodater, de stocker et de transférer de l’information de façon sécurisée.
Ce jeton est associé à un smart contrat qui renvoie à un fichier numérique (image, son, vidéo) dénommé le sous-jacent.
Si le CSPLA relève qu’un NFT est juridiquement difficilement qualifiable, il estime que ce jeton n’est pas une création et est dénué d’originalité puisqu’il consiste en un processus de codage informatique contraint.
Un NFT ne peut donc pas être qualifié comme une œuvre de l’esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle et protégé en tant que tel par un droit d’auteur.
En revanche, les fichiers numériques – sous-jacent- associés au NFT peuvent porter sur des créations protégées : une œuvre unique ou une version « tokénisée » d’œuvres existantes.
Dans le domaine culturel, un NFT présente quelques intérêts :
- Il vise notamment à garantir l’authenticité d’une création originale ou de sa reproduction,
- Il peut constituer un instrument de gestion des droits d’auteur par le biais des smart contracts auxquels il est rattaché, puisqu’il permettrait d’identifier l’auteur ou ses ayants-droits et assurer un suivi précis des modes d’exploitation numériques.
Les opportunités offertes par les NFTs
Les NFTs proposent de nombreux avantages en offrant une possibilité de « création de valeur et de rareté » dans l’environnement numérique.
Ils permettent également un moyen de rémunération aisé pour les acteurs en facilitant le versement de royalties.
Quelques exemples :
- Les NFTs peuvent être utilisés comme un nouveau type de mécénat pour financer la restauration d’une œuvre,
- Dans les secteurs de la musique, de l’édition ou de l’audiovisuel, ils peuvent être commercialisés en amont de la diffusion de l’œuvre, pour diversifier les modes de financements,
- Ils permettent d’offrir à la vente des copies numériques d’œuvres d’art traditionnelles ou de leur offrir un « passeport numérique ».
Les problématiques juridiques identifiées
La création de NFTs à partir d’œuvres protégées doit respecter les droits d’auteur des titulaires, notamment lorsqu’ils sont émis par des tiers.
Aussi si le NFT est produit à partir d’une œuvre existante, l’autorisation du créateur est nécessaire. Son œuvre doit également être respectée, notamment lors de la numérisation.
Lors de l’acquisition et de la revente successive de NFTs, il convient en outre, de rester vigilant :
- Dans la majorité des cas, les titulaires de NFTs ne sont pas propriétaires de l’œuvre concernée,
- Ils ne peuvent donc utiliser le NFT que dans un cadre strictement privé et non à des fins commerciales, sauf s’ils en ont l’autorisation par le contrat de cession/licence de droits contenu dans le smart contract. Le formalisme prévu par l’article L. 131-1 et suivant, du Code de la propriété intellectuelle doit ici être respecté.
S’agissant du droit de suite et du versement de royalties aux auteurs et ayants-droits, ce versement n’est possible que lorsqu’un professionnel du marché de l’art intervient lors de la vente et que l’œuvre créée est unique ou limitée au maximum à douze exemplaires.
Les propositions
En réponse aux problématiques soulevées, le rapport formule un certain nombre de recommandations pour un meilleur encadrement et une sécurisation des NFTs.
Le Conseil propose notamment de bâtir une documentation informative sur les droits d’auteur et une charte « des bonnes pratiques » à des destination des plateformes, à l’échelle nationale ou européenne.
Sur le plan fiscal, il estime que le régime doit être clarifié et une fiscalité propre à l’art numérique devrait être envisagée. Enfin le rapport insiste également sur l’importance de la prise en compte de l’empreinte écologique des blockchains dans le développement des NFTs, dès lors que la validation des différentes transactions peuvent conduire à une explosion de la consommation.
Clara Viguié
Avocate en droit de la propriété intellectuelle depuis près de 6 ans, elle a fondé son Cabinet pour accompagner ses clients sur toutes les problématiques liées à la protection et à la défense de leurs marques, créations et innovations.
Elle est membre de l’APRAM (association des Praticiens du Droit des Marques et des Modèles) et est enseignante en droit de la propriété intellectuelle à l’ESCP, à l’Ecole Supérieure de Journalisme et à l’INPI.
Site: https://claraviguie.fr/
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