Qu’est-ce qu’une Cryptomonnaie?
Une cryptomonnaie est l’unité de compte d’un registre distribué, dont la blockchain est le type d’infrastructure le plus connu, mais pas le seul. On parle de registre distribué car il s’agit à la fois d’ un registre comptable et d’ un protocole informatique distribué : contrairement à une base de données, chacun peut librement effectuer une transaction sans intermédiaire, participer à la validation des transactions, et en télécharger l’historique sur un ordinateur « noeud » du réseau.
En revanche, comme d’autres bases de données, les blockchains utilisent la cryptographie asymétrique, c’est à dire le chiffrement d’une information à laquelle on ne peut accéder que si on détient la clé de déchiffrement correspondante : la clé privée qui permet de débiter (sortir) des fonds à partir d’une clé publique. C’est de cette composante que les cryptomonnaies tirent leur nom.
La cryptomonnaie la plus connue est le bitcoin, dont la première transaction date du 3 janvier 2009. Il existe aujourd’hui des milliers d’autres cryptomonnaies, dont seulement quelques-unes respectent les critères techniques qui distinguent le bitcoin d’une base de données classique.
Pour utiliser une cryptomonnaie sur un protocole, il faut généralement s’en procurer, sur une plateforme d’échange, contre de la monnaie ayant cours légal ou une autre cryptomonnaie. La valeur de marché de ce secteur évolue ces dernières semaines autour de 1 300 milliards d’euros. De nombreux particuliers et professionnels utilisent les cryptomonnaies et l’impact croissant de l’écosystème sur l’économie rend nécessaire une régulation à la fois des acteurs et des opérations concernées.
En qualité de professionnel du droit, il est avant tout nécessaire de pouvoir qualifier la cryptomonnaie. Dans cette partie, nous aborderons les différents articles contenus dans le Code monétaire et financier, ainsi que dans le Code général des impôts.
Monnaie électronique ?
Le Code monétaire et financier définit la monnaie électronique à l’article L315-1, comme suit:
« I. – La monnaie électronique est une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement définies à l’article L. 133-3 et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur de monnaie électronique.
II. – Les unités de monnaie électronique sont dites unités de valeur, chacune constituant une créance incorporée dans un titre. »
Légifrance.gouv.fr
La notion de monnaie électronique correspond non pas aux cryptomonnaies, mais aux unités qui sont une représentation « un pour un » de la monnaie ayant cours légal dans un Etat, ou d’une devise (pour un Etat étranger). La monnaie ayant cours légal en France est l’Euro, comme le dispose l’article L 111-1 du Code monétaire et financier.
Seuls les opérateurs agréés (établissement de crédit et prestataires de service de paiement) peuvent proposer de la monnaie électronique au sens légal (parfois nommée e-money), via des moyens de paiement centralisés (applications, comptes et portefeuilles électroniques).
Prochainement, un article sera consacré aux stablecoins. Ils correspondent à une unité de compte dont le cours est théoriquement indexé sur une ou plusieurs monnaies ayant un cours légal, tel le dollar américain (USD). Ces stablecoins faisant l’objet de débats, la réglementation internationale et européenne prévoit de les assimiler à de la monnaie électronique (e-money), sous réserve que chaque unité soit bien émise en contrepartie de réserves réelles et vérifiées en comptabilité.
Loi Pacte – L’actif numérique
La loi n° 2019- 486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Loi Pacte) a donné naissance à un nouveau produit d’investissement, l’actif numérique, défini à l’article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier.
Pour l’application du présent chapitre, les actifs numériques comprennent :
1° Les jetons mentionnés à l’article L. 552-2, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 et des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223-1 ;
2° Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.
Légifrance.gouv.fr
Les jetons sont ainsi définis à l’article L552-2 du code monétaire et financier, qui dispose : « Au sens du présent chapitre, constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ».
A l’aune de cet article, il résulte que la qualification d’actifs numériques est exclusive des notions d’instrument financier, de bon de caisse et de monnaie. Les actifs numériques sont un ensemble légal qui regroupe deux sous-catégories présentes dans le Code monétaire et financier:
- les jetons, qui entrent dans le champ de l’article L552-2
- les représentations numériques d’une valeur, qui entrent dans le champ du 2° de l’article L. 54-10-1
Depuis le 7 septembre 2021, le Salvador reconnaît le bitcoin (BTC) comme monnaie ayant cours légal dans son droit interne, la garantit et lui donne un statut officiel par une loi votée par le Parlement. De facto, trois conditions sur cinq ne sont objectivement plus remplies dans notre droit interne.
De jure, la monnaie ayant cours légal d’un Etat A reconnu par un Etat B est une devise dans le droit interne de l’État B.
Par ailleurs, en dépit de la définition retenue par le législateur en droit interne, certaines autorités comme la banque de France ou TRACFIN continuent à utiliser des termes courants comme « monnaie virtuelle » ou les termes employés dans les instances internationales comme « cryptoactifs » (mentionnés dans le cadre des travaux de l’OCDE ou de la Commission européenne).
La qualification juridique en droit interne constitue le socle de la réglementation financière, des normes comptables et des différents régimes fiscaux applicables aux opérations en cryptomonnaies.
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Inspecteur des finances publiques, et également intervenant auprès d’ALYRA, l’école de la blockchain.
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