QUE VA CHANGER LE REGLEMENT MiCA
DANS L’ENCADREMENT FRANÇAIS DES ACTIFS NUMERIQUES ?

Depuis plusieurs années, l’Union européenne a marqué sa volonté d’harmoniser la règlementation des Etats membres sur la qualification juridique des différentes catégories d’actifs numériques qui circulent auprès du grand public, ainsi que des opérations qui les concernent.

C’est dans cette perspective que la Commission européenne a adopté fin 2020 un paquet sur le financement numérique (« Digital Finance Package »), comprenant des propositions législatives sur les crypto-actifs afin de protéger les consommateurs face à l’émergence de produits financiers innovants.

C’est dans ce contexte qu’a été voté en mars 2022 le texte final du projet de Règlement MiCA (Market in Crypto Assets), dont l’entrée en vigueur en France est attendue à l’horizon 2024, et qui a pour ambition de créer un « passeport européen » des levées de fonds en actifs numériques (« Initial Coin Offering ») ainsi que des services sur actifs numériques.

Voici, dans les grandes lignes, ce qui va changer demain pour les offres au public et les services sur crypto-actifs proposés à un public européen (et donc français).

I. La fin de de l’enregistrement obligatoire et du visa optionnel

En France, la loi PACTE cessera de s’appliquer le jour où le Règlement MiCA va entrer en vigueur , dans un horizon relativement proche.

A ce jour, la loi PACTE prévoit deux régimes bien distincts :

  • L’enregistrement obligatoire, au titre des 4 premiers services visés par l’article L.54-10-2 du Code monétaire et financier (conservation d’actifs numériques pour compte de tiers, conclusions pour compte de tiers de contrats d’achat/vente ou d’échange d’actifs numériques, plateforme de négociation d’actifs numériques).
  • L’agrément optionnel au titre des services prévus au 5° de l’article susvisé.

A ce jour, les acteurs qui n’ont pas l’agrément (y compris ceux qui sont enregistrés) sont soumis à des restrctions importantes en termes de communication au public (interdiction des actes de démarchage, quasi-démarchage, parrainage, mécénat).

En substance, le règlement MiCA va avoir pour effet de rendre obligatoire pour plusieurs services sur actifs numériques, l’obtention d’un agrément dans des conditions similaires à celles d’ores et déjà prévues en France:

Les services concernés seront :

–          La conservation et l’administration d’actifs pour compte de tiers

–          L’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques

–          L’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques

–          L’échange d’actif numérique contre monnaie ayant cours légal

–          L’exécution d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers

–          La réception/transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers

–          Le placement d’actifs numériques

–          La fourniture de conseils sur actifs numériques.

Or à ce jour, aucun acteur n’a pu obtenir l’agrément de droit français.

II. Les NFTs en sursis ?

Les « NFTs » (ou « Non Fungible Tokens ») sont des actifs ayant pour spécificité d’être uniques, ce qui entrave par définition leur circulation et les rend de fait peu attractifs pour une utilisation en vue de blanchiment ou de financement du terrorisme.

Or, l’objectif principal du passeport européen est de soumettre les opérations relatives aux actifs numériques au dispositif dit « LCB-FT » (visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme) sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Les NFTs sont majoritairement utilisés dans le domaine de l’Art ou des métavers et restent principalement des objets de collection.

Il est vrai que ce caractère ne les prédispose pas nécessairement à être exclus du dispositif LCB-FT, puisque les intermédiaires dans la négociation d’œuvres d’art y sont notamment assujettis (art. L 561-2 10° du Code monétaire et financier)

Que prévoit le Règlement MiCA concernant les NFTs ?

Concernant les offres au public, il a été choisi, afin de « garantir une approche proportionnée », (considérant 15), de ne pas soumettre au nouveau visa obligatoire les offres au public de crypto-actifs « qui sont uniques et non fongibles avec d’autres crypto-actifs ».

Que ce soit pour son émission ou les services associés, le NFT n’est pas concerné par le Règlement dès lors qu’il n’a pas les caractéristiques d’un « jeton utilitaire » (« utility token ») au sens du Règlement.

C’est-à-dire (article 3 du Règlement) : « un type de crypto-actif destiné à fournir un accès numérique à un bien ou à un service, disponible sur la DLT[1], et uniquement accepté par l’émetteur de ce jeton »

Les émetteurs et P.S.A.N.[2] devront veiller à ne pas inclure de « droit d’accès » dans le NFT qui ne devra pas être une passerelle entre le Metavers et le monde « IRL ».

Cette définition a le mérite d’être plus précise que celle qui prévaut actuellement en droit français (« tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » , art. L.552-2 du Code monétaire et financier).

Elle risque cependant de mettre un frein au développement des projets liés au « Play to Earn » et aux Metavers :

 « MiCa fait également référence aux NFTs. (…). Un NFT représentant une épée dans un jeu vidéo sera donc traité de la même manière qu’un actif numérique par une autorité de marché ».

source

III. Le sauvetage du protocole « Proof of Work »

Au cours de l’examen du projet de Règlement par le Parlement européen, plusieurs députés européens ont soutenu un amendement visant à interdire l’émission ou l’offre d’échange d’actifs numériques reposant sur un protocole de preuve de travail (en anglais, « proof of work » ou POW).

La raison ?

Les cryptomonnaies générées par ce protocole (dont le Bitcoin, en tête) seraient dangereuses à long terme pour l’environnement en raison de leur consommation éléctrique. En effet, la puissance de calcul exigée pour « miner » ces cryptomonnaies est très gourmande en énergie.

Or, des études auraient démontré que les principaux pays « mineurs » (Chine, Russie, Etats-Unis …) seraient également ceux avec l’empreinte carbone la plus élevée en raison de leur utilisation massive des énergies fossiles.

Selon une étude menée par un fournisseur d’énergie, la consommation éléctrique du Bitcoin équivaut à 90% de celle des ménages français, et il faudrait 10 centrales nucléaires pour la couvrir.

Si on ne doit pas occulter l’intérêt du débat sur l’impact écologique des actifs numériques, toujours est-il qu’une interdiction du minage aurait fortement déstabilisé les acteurs français et européens du secteur, au profit de ces autres pays fortement pollueurs :

« Le règlement MiCa sera voté lundi prochain. En l’état, il condamne définitivement l’avenir des crypto-actifs en Europe. En interdisant le Bitcoin et l’Ether, en compliquant l’utilisation des NFT et des DeFi, le Parlement européen hypothèque notre souveraineté monétaire et financière ».

source

En outre, on peut s’interroger sur la pertinence de s’attaquer à la pratique du minage sans traiter la problématique de fonds, à savoir le développement d’une énergie « verte »:

 « Le problème n’est pas la consommation énergétique du bitcoin, mais l’origine de cette énergie. Il serait plus pertinent d’interdire le minage à partir d’énergies fossiles et de promouvoir les acteurs qui se tournent vers les énergies renouvelables excédentaires pour améliorer la rentabilité de ces moyens de production »

source

Devant la mobilisation des acteurs du secteur ainsi que de plusieurs Etats membres de l’UE (dont la France), l’interdiction de la preuve de travail a finalement été abandonnée.

Il a été proposé, à la place, d’inclure le minage dans la « taxonomie des investissements verts de l’Union européenne » qui vise à dresser une liste des activités plus ou moins vertueuses en matière d’environnement.


[1] Distributed Ledger Technology, ou « Blockchain »

[2] Prestataires de services sur actifs numériques

Maître Marina CARRIER

HALT AVOCATS, c’est tout d’abord la rencontre d’avocats passionnés par l’univers des nouvelles technologies. Découvrant la Blockchain en 2016, ils ont expérimenté cet univers fascinant et développé une expertise de pointe en droit fiscal, droit financier, et droit du numérique. Les entrepreneurs du Digital sont des aventuriers qui osent la prise de risque. Ils ont besoin d’avocats créatifs, visionnaires et pragmatiques. C’est dans cet esprit que Maître CARRIER et Maître MARTIN ont fondé le cabinet HALT, afin de réunir leur savoir-faire et leur expérience acquise au service de l’économie digitale.

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